Patricia Menetrey

Un Voie de Réalisation

INTERVIEW du 14 janvier 2019 à Confort par Emmanuel MOULIN

(publié par MéditationFrance)

Patricia Menetrey (Anutosha) ne laisse pas indifférent. Lumineuse et tranquille, cette femme a « réalisé » quelque chose en elle. J’ai voulu lui poser quelques questions pour revenir sur son cheminement et savoir ce qu’elle transmettait aujourd’hui à travers ses stages de méditation, de reiki et ses groupes de femme…

E.M. : Tu pratiques la méditation depuis plus de trente sept ans, et lorsque je parle de « méditation » nous ne parlons pas de « s’asseoir en tailleur » ou d’aller assister à sa séance tous les jeudis. Je parle de ta pratique, et de ta vie : 12 années dans les communes d’Osho, dont 7 en Inde. Cela représente un engagement total, une immersion dans sa vision. Tu as également été mère avec tous les défis et cadeaux que représente une vie de famille.

Aujourd’hui tu proposes de nombreuses techniques comme des massages aux huiles chaudes, du Reiki, du rééquilibrage énergétique, des lectures d’aura, un oracle Zen, des soins avec les bols tibétains et les vibrations des sons sacrés.

En tant que correspondante pour MeditationFrance, tu as rencontré les figures majeures de la spiritualité contemporaine avec lesquelles tu as échangé et approfondit ton expérience. Quand tu regardes tout cela rétrospectivement, qu’est-ce que cela t’évoque ? Est-ce que c’est cette rencontre avec le maître éveillé Osho dans les années 70 qui a transformé ta vie et ta destinée ?

P.M. : Waouh, quelle question ! C’est toute ma vie que tu abordes là. Mais tu as raison parce que mon engagement est aujourd’hui si total qu’il inclut indiscutablement chaque instant de ma vie : ma vie passée depuis ma jeunesse aventureuse et rebelle mais déjà impérativement guidée par ma quête, ma vie présente, aussi, dans chaque seconde de mon existence actuelle, dans la pleine conscience de mon être, dans l’expérience de l’éternité. 

Pour moi, il n’y a pas d’ouverture de conscience sans la conscience d’appartenir à un TOUT qui l’englobe absolument et dont elle est, en même temps, partie prenante et créatrice à chaque instant. C’est l’accord avec cette fantastique ENERGIE PRIMORDIALE qui est la clé de toute transformation parce qu’elle ouvre vraiment à d’autres niveaux de conscience et d’expérience.

Pour répondre à ta question et aller à l’essentiel, bien sûr, que les longues années passées en Inde au contact direct et quotidien d’Osho ont constitué le socle fondateur de tout mon chemin initiatique et de toute mon aventure spirituelle. C’était un lieu magique. Osho a crée une école des mystères unique au monde. On le connaît surtout aujourd’hui, en occident, par les textes, les enregistrements et les vidéos qui restent de lui, mais ce ne sont que des mots. Osho n’enseignait pas, au sens commun. Il nous poussait sans cesse à explorer et à nous immerger dans les pratiques pour mieux accéder au noyau de la CONNAISSANCE où différentes traditions ont su puiser leur savoir. C’était un creuset fabuleux. Tout était possible et j’y ai construit et éprouvé, pour ma part, les fondements d’un outillage solide, résistant et d’une rare efficacité que je n’ai jamais cessé depuis d’utiliser, d’interroger et d’enrichir à travers ma pratique.

Cette intense période a été le cadeau de ma vie. Elle m’a transformée au-delà de ce qui est imaginable. J’en éprouve une gratitude infinie.

Mais le voyage n’est pas terminé. La présence d’Osho demeure vivante en moi. Au pied de son bûcher funéraire (selon la tradition indienne) et dans la fulgurance d’un instant indescriptible, j’ai compris, pour toujours, qu’il avait allumé, en moi, une flamme qui n’est pas prête de s’éteindre.

E.M. : Ce que j’aime beaucoup avec toi (et je crois que c’est aussi que beaucoup d’autres personnes ressentent) c’est que tu as à la fois les qualités de méditante et aussi toute la sensibilité et toutes les qualités d’une femme authentique. 

Quelle est pour toi la vision spirituelle de la femme, la « nouvelle femme » ni dominée, ni guerrière.

P.M. : (Rires) Merci ton compliment me touche. J’ignore si j’ai une quelconque vision sur ce que devrait être «LA femme ». Sur le fond, et pour ce qui me concerne, je ressens profondément que la séparation entre le spirituel et le profane s’est peu à peu dissoute, m’ouvrant à une unité retrouvée et invitant dans ma vie un flux continu d’émerveillement. En tant qu’ex- rebelle, j’ai renoncé peu à peu au combat après des années de lutte. Une force d’une puissance incroyable s’est alors libérée. En déposant les armes j’ai réalisé la beauté et tout le bonheur d’être une femme.

Et puis, tout naturellement, sont survenus l’envie et le temps du partage de cette transformation.

Depuis 2011, je me suis beaucoup investie dans le mouvement des « festival du féminin ». Novatrice à son lancement, cette aventure est aujourd’hui devenue une référence mondiale  : Paris, Siorac (Périgord), Rennes, Aix les Bains, Bordeaux, etc. pour la France ; mais aussi : Bangkok, Singapour, Nairobi, Bogota, Kuala Lumpur, etc.  

Cette belle initiative a su offrir un espace de travail en profondeur à la cause des femmes. J’y anime très régulièrement des ateliers et poursuit cette aventure en voie de s’ouvrir au « masculin-féminin ». Il y a tant à faire.

Et puisque tu as évoqué, tout à l’heure, mon expérience de la maternité. Je ne suis pas sûre qu’elle soit un passage obligé pour une femme ou pour un couple. Mais, je peux te confirmer que cette expérience, dans toute sa complexité, a constitué un extraordinaire booster sur mon chemin initiatique.

E.M. : Que penses-tu des Femen, un activisme choc pour dénoncer l’oppression des femmes qu’elle soit politique, religieuse ou sexiste ?

P.M. : Ce mouvement me questionne beaucoup. Est-ce que leur combat sert la condition des femmes? Je n’ai pas de réponse.

En Russie elles ont risqué leur vie. En France, elles alertent l’opinion. Je respecte leur engagement et les trouve très courageuses, mais cette forme de combat n’est plus la mienne.

Je me sens plus utile en offrant un autre espace pour conquérir notre liberté : une liberté intérieure, authentique, solide et résistante quand l’expérience en est acquise …et  qui, certainement, ne peut manquer de produire ensuite ses effets collatéraux dans l’espace relationnel et social. C’est ma façon de militer.

Mes groupes et mon engagement pour la cause des femmes passent par un autre chemin que celui de la libération combattante. Néanmoins, je crois pouvoir affirmer qu’il faut très certainement autant de courage pour affronter ses démons intérieurs que pour défier les forces de l’ordre. (Rires…)

E.M. : Le hashtag #MeToo et cette campagne qui dénonce l’agression sexuelle et le harcèlement des femmes (souvent dans le milieu professionnel), est-ce que c’est une bonne chose ? Ne court-t-on pas le risque de « l’heure de la vengeance » pour la femme ? (sourire) 

P.M. : La parole libérée des femmes n’a pas manqué de faire ressortir une part de haine due à toute cette souffrance. Trop longtemps niée, la réalité que vivent ces femmes harcelées s’est dévoilée dans un excès qui peut parfois choquer. Et après qu’en fait-on ?  Si cette dénonciation est légitime au regard du passé, la haine et l’appel à la vengeance ne me paraissent pas constituer une solution véritablement réparatrice.

Recueillir cette parole dans une écoute bienveillante, acceptante mais aussi questionnante, offre des moyens et des pistes pour échapper à cette souffrance, et surtout, reconstruire une identité. C’est ce que nous proposons dans nos festivals du féminin.

En même temps, la formule tend à évoluer aujourd’hui pour intégrer la parole des hommes. En invitant les hommes, nous avons entendu également leurs revendications et leur mal-être.

Nous avons tous à gagner dans un échange qui nous fait grandir et évoluer ensemble. Une relation de couple sans questionnement de nos différences est vouée à l’échec. Lors de ces rencontres, s’installe une réelle prise de conscience. Un espace de pardon et de réconciliation peut, alors, se déployer. Et assister à cette éclosion est, pour moi, une source constante d’émerveillement.

E.M. : Quel stage proposes-tu pour les femmes ?

P.M. : Je leur propose d’explorer la voie du cœur et celle de l’autonomie. Car ce qui m’a le plus touché, c’est de voir leur renoncement à aimer, de peur d’avoir à souffrir à nouveau. Mes ateliers permettent une véritable plongée dans les profondeurs. Un retour à soi qui possède la puissance de transmuter toute peine. A partir de cette découverte, les femmes peuvent se retrouver dans leur propre identité : oser, enfin, devenir « elles-mêmes », à l’écoute de leurs ressentis et de leur désir. 

Les femmes sont plurielles : Elles peuvent être magiciennes, guérisseuses, sorcières, mais aussi amantes, amoureuses aussi bien que louves ou tigresses. Enfermées dans un conditionnement séculaire et bien souvent dans une spirale de la répétition, elles n’osent même plus se reconnaître dans leurs aspirations et leurs qualités. 

Mon travail s’effectue dans une alternance de séquences de « méditation essentielle» et de « verbalisation collective ». 

Les méditations actives proposées commencent par une grande lessive : pas celle des chaussettes, mais de leurs propres croyances et jugements sur leur énergie et le pouvoir dont elles se sont souvent coupées. 

Les périodes de verbalisation ouvrent à la consolidation des prises de conscience dans la sécurité d’un espace commun de partage intime, confiant, attentif, bienveillant et solidaire. C’est un moment sacré, d’une richesse inouïe, chaque fois différent mais toujours d’une intensité émotionnelle incomparable d’où procède d’ailleurs une part de son efficacité. L’expérience vécue dans sa totalité physique, émotionnelle et spirituelle constitue le plus puissant des outils de transformation. C’est une part de ce que j’ai appris au contact de Osho et que n’ai jamais cessé d’approfondir dans ma pratique qui reste pour moi le meilleur «repère» au sein de mes questionnements.

J’ai créé un stage qui se nomme « De la guerrière à la femme sage ». Un autre stage travaille sur nos rêves de petite fille : « le mythe du prince charmant».

Les témoignages des participantes, en retour et dans l’après-coup, évoquent une profonde transformation intérieure qui a libéré une immense force au service d’un projet de vie dans la reconquête d’une souveraineté retrouvée.

E.M. : On a beaucoup parlé des femmes mais tu ne travailles bien sûr pas qu’avec les femmes. Tu es maître de Reiki depuis plus de 22 ans, peux-tu nous dire quelques mots sur tes stages de Reiki et des Bols tibétains ouverts à tous ? 

P.M. : Ouh, là, là ! Nous voilà dans les techniques. Une technique n’est qu’un outil. A ne pas confondre avec la « Connaissance » acquise par une tradition ancestrale qui a su la recueillir …et qui n’est plus rien sans l’expérience d’un cheminement initiatique (généralement long) pour espérer y accéder. L’occident est très imbu de ses techniques et, dans notre domaine, les nouvelles techniques, de préférence « re-découvertes, évidemment très anciennes et d’une efficacité garantie ! » (Rire) ne cessent de faire la une des médias…jusqu’à ce qu’une autre la remplace. Ne jamais oublier que ce n’est pas le doigt qui est important quand il pointe sur bien autre chose. 

En ce qui me concerne, le Reiki fut un des axes de mon apprentissage. Une approche psycho-corporelle, initiée par Le japonais Mikao Usui. Cette combinaison de la méditation et la prise en compte de nos énergies physiques, mentales et émotionnelles me convenait. 

Pour le pouvoir guérisseur des bols tibétains, j’ai eu la chance et le privilège d’y avoir été initiée, à la frontière des deux pays, au contact direct d’un Maître fuyant, à l’époque, l’occupation chinoise de son territoire. Ce fut un apprentissage long et exigeant (notamment pour de simples problèmes linguistiques), mais la richesse, le don et la puissance de ces échanges centrés sur une connaissance essentielle m’ont convaincue de son importance.

Je me sers des bols dans ma pratique quotidienne en consultation depuis bientôt (houlà) …37 ans comme tu as eu la gentillesse de le rappeler (rire).Et je dois avouer que leur extraordinaire puissance ne fut jamais mise en défaut. Mais l’âge venant,  je m’attache désormais à mon devoir de transmission et m’efforce de m’investir prioritairement dans des stages et séminaires de formation qui, entre-parenthèse, ne m’ont pas réconcilié avec la SNCF (Rires) 

Il y a tant à faire pour assurer la transmission.

E.M. : Quels types de techniques ou de méthodes de méditation tu proposes dans tes stages de méditation et pourquoi ? Ces techniques sont-elles les mêmes pour les hommes et les femmes ? 

P.M. : Je ne suis pas sûre de pouvoir répondre à ta question. Chaque situation est différente. Je ne prépare jamais un programme figé. Je ressens et m’adapte en permanence, dans le fil du déroulement, comme je l’ai appris au contact d’Osho. Par nature, la problématique des hommes diffère évidemment de celle des femmes.

Au fil de ma pratique, la découverte du pouvoir guérisseur des sons m’a amenée à sélectionner des extraits sonores de musiques du monde qui soutiennent le processus. Cependant, un bol tibétain sonne parfois tellement plus juste.

E.M. : Tu vas co-animer une retraite de méditation cette année  avec Alok Samadhana  (du 3 au 5 mai 2019). Qu’allez-vous proposer ensemble ?

P.M. : Samadhana proposera une approche par la voie du Tantra et moi par le son de l’Absolu (Nada) avec les  bols tibétains. Il y aura aussi des méditations de la pleine conscience proposées par Christine Goirand-Fadhlaoui.

E.M. : Tu me sembles toujours ou, en tout cas souvent, de bonne humeur, joyeuse et légère, avec un certain détachement naturel. Est-ce que ta vie est devenue « une célébration » comme le préconisait Osho ?

P.M. : Merci pour ton regard bienveillant. Oui, la joie est devenue, en moi, un état naturel. Une joie sans cause. Cela ne m’empêche pas de ressentir aussi les événements lorsqu’ils sont douloureux. Mais la lutte est terminée, je me laisse traverser, j’observe et cesse de m’identifier aux pensées. Peut-être a-t-il fallu toutes ces années de quête avant de réaliser que « tout était déjà là » comme le dit Mutombo dans un récent interview que j’ai réalisé pour MéditationFrance à l’occasion de la publication de son dernier livre : le feu de l’Esprit.

Ce qui me rappelle une de tes premières questions concernant mes rencontres avec les figures majeures de la spiritualité contemporaine et à laquelle je ne suis pas sûre d’avoir répondu. En fait, c’est tout simple : les chemins sont infinis, mais lorsque la quête est authentique et le chercheur sincère, ces multiples voies convergent vers la même source.

Relié(e)s au TOUT, il suffit d’écouter cette voix de la conscience qui murmure : « Regarde tout cela depuis le cœur…et n’oublie pas de mettre de LA VIE dans ta vie ! »

E.M. : Merci, Patricia.