
Patricia Menetrey : Bonjour Patrick Drouot et merci de m’avoir accordé cet entretien à l’occasion de la publication du « Guide pratique de la cohérence cardiaque » édité chez Trédaniel. A vrai dire, je fais partie de ceux et celles qui ont suivi votre démarche de recherche depuis longtemps et, si vous voulez bien, nous replacerons cette publication dans l’ensemble de votre travail dont elle me paraît constituer un aboutissement. Alors, pour commencer et à l’intention des lecteurs qui vous ont découvert à travers cet ouvrage et qui, peut-être vous connaissent moins, peut on revenir sur votre parcours ?
Patrick Drouot : Vous avez raison, Patricia. C’est un tout. Et il est important de me définir par rapport à ce que je suis en relation avec ce que je fais. Donc, voilà : je suis physicien de formation, diplômé de l’Université Columbia à New York avec une thèse sur la nature du temps en mécanique quantique. J’ai vécu 12 ans aux États-Unis. Et c’est là que j’ai commencé à m’intéresser aux phénomènes liés au temps. J’ai eu, alors, l’occasion et le privilège de voyager dans les réserves amérindiennes, à l’époque où personne ne parlait encore de chamanisme. J’y ai été confronté à des manières de vivre qui m’ont profondément interpellé.
Puis j’ai travaillé avec un psychanalyste américain qui faisait voyager les gens dans leurs vies antérieures. J’ai aussi rencontré Kriyananda, un maître de la tradition du Kriya Yoga, dont j’ai suivi les enseignements durant plus de vingt ans. J’ai vécu sept ans au Brésil où j’ai rencontré de grands guérisseurs. J’ai également reçu du docteur Yeshe Donden, le médecin du Dalaï Lama, des enseignements sur la médecine tibétaine pendant 4 ans. J’ai étudié les spiritualités du monde entier : celles des Soufis , des Indiens d’Amazonie, des Polynésiens. J’ai réalisé que nous vivions dans un théâtre magique, dont nous avions perdu la mémoire.
Et la nécessité d’établir un lien entre ces approches s’est vite imposée à moi dans le souci d’effectuer un bilan scientifique et spirituel des grands courants qui animaient le monde. À partir de l’exploration des états d’expansion de conscience, j’ai commencé à développer un modèle articulé sur le concept du champ d’énergie qui entoure le corps humain. Comme vous le savez, ce fut un long cheminement qui a commencé il y a presque 50 ans et dont j’ai rendu compte dans mes premiers ouvrages.
P.M. ; Au cours de cette quête persévérante, comment votre corpus théorique s’est-il progressivement élaboré?
P.D. : Mes deux premiers livres ont principalement porté sur les états modifiés de conscience et sur tout ce qu’on y trouve, c’est-à-dire le rappel à la conscience d’événements oubliés de la petite enfance. La vie de l’enfant avant la naissance, la vie intra-utérine m’ont vraiment passionné dans les années 80. Et puis, bien sûr, le phénomène des vies antérieures. Alors, il y a énormément de questions que je me suis posées. Est-ce que ce sont des errements de la psyché ? Est-ce qu’il s’agit d’une autre réalité possible avec cette dynamique si particulière qui est l’énergie du karma ?
Dans les années 85, j’ai commencé à avoir des perceptions autour des gens. Je voyais des informations inscrites dans les corps d’énergie des personnes.
À cette époque, j’ai servi de cobaye dans un laboratoire. On m’a posé des électrodes sur la tête afin de comprendre le fonctionnement de mon cerveau qui présentait (selon la définition en cours) des flashs de sur-lucidité. Et là, surprise : mon cerveau est monté à 60 hertz, un phénomène neurologiquement impossible. Il existe en science, 4 stades bien connus : alpha, béta, thêta et delta. Les Américains ont donc dû créer pour mon cas, une nouvelle appellation : les trains d’ondes gamma.
J’ai réalisé que nous étions des êtres hybrides constitués à la fois de matière et d’énergie. L’énergie est au cœur de la mécanique quantique. j’ai donc commencé à créer des ponts entre la science et d’autres aspects de la réalité, entre les bizarreries de la logique quantique et les bizarreries du fonctionnement humain. C’est quoi une pathologie ? Comment elle se développe ? À partir d’où ? Est-ce qu’il est possible d’éradiquer une information parasite ?
Et puis, Il y a eu cette rencontre inattendue avec l’intelligence du cœur au cours d’un symposium tout à fait particulier entre chercheurs réunis à Kansas City et auquel j’ai eu la chance de participer.
P.M. : Votre livre expose, de manière très claire, les dernières découvertes sur les qualités du cœur possédant sa propre intelligence. En pratiquant la cohérence cardiaque nous pourrions modifier nos comportements, et renforcer notre état physique émotionnel et relationnel. Pourriez-vous nous en dire plus ?
P.D. : Pour le faire court, à la fin des années 70, Béatrice et John Lacey, un couple de neurophysiologistes, ont démontré que notre cœur possédait un amas de neurones qui constitue un petit cerveau. Cela signifie que le cœur pense, réfléchit, mémorise, et prend des décisions, indépendamment du néocortex. Ils ont également établi que lorsque le cerveau envoie des informations, le cœur n’obéit pas toujours. En revanche, lorsque le cœur envoie des informations vers le cerveau à travers des routes neuronales (parfaitement identifiées), le cerveau suit les instructions du cœur.
Une autre chose importante à connaître : le cœur ne fonctionne pas de manière constante, il subit de nombreuses variations de rythme, de tension, nommées incohérence cardiaque. Comme notre cœur possède une grande influence sur le système endocrinien, ces variations sont à l’origine du stress et des pensées qui en découlent… jusqu’à créer certaines pathologies. Au lieu de générer les hormones du bien-être, notre système endocrinien va générer les hormones du stress.
Les sciences cognitives ont également démontré que le cerveau possède une plasticité neuronale. Et bien, c’est la même chose pour le cœur ! Il influence fondamentalement notre système endocrinien. En pratiquant la cohérence (dont le terme technique est la restructuration neuro-cardio-vasculaire), nous pouvons ainsi apprendre et restructurer notre cœur à fonctionner de manière cohérente.
Qu’est-ce que cette fameuse cohérence en science ? Elle est présente lorsque plusieurs systèmes travaillent ensemble. Nous pouvons faire travailler nos sept cerveaux : le cerveau gauche, le droit, le limbique. Mais également les organes qui possèdent des neurones qui « se battent en duel dans notre plexus » ! Le cerveau intestinal, le cerveau entérique des ostéopathes et des fasciathérapeutes (200 milliards de neurones), le cerveau de la peau, (720 000 terminaisons nerveuses). Et puis le dernier qui, en fait, est le premier : le cerveau cardiaque.
Les recherches ont démontré que lorsque nous étions en cohérence, notre cœur embarquait dans son rythme cohérent les six autres cerveaux ensemble. Toute une machinerie va travailler de concert et créer une influence fondamentalement positive non seulement sur le système endocrinien, mais également sur la manière dont notre cerveau travaille.
En fait, la mise en évidence de la plasticité neuro-cardio-vasculaire signifie que nous pouvons apprendre et restructurer notre cœur pour fonctionner d’une manière cohérente.
Ce qui est intéressant dans les techniques de cohérence, c’est que ça peut se pratiquer n’importe où. Dans votre voiture, dans le métro, lors d’une session de créativité, dans le monde managérial, industriel. C’est-à-dire qu’on n’est plus seulement dans un état méditatif mais dans un état de reconstruction même de notre pensée dans la vie de tous les jours.
J’ai introduit cette pratique dans une formation que j’ai appelé la pensée intégrale. J’ai eu des gens qui venaient d’horizons très différents, y compris des gens de la fonction publique. je peux le dire maintenant, parce qu’il est en retraite depuis pas mal d’années, mais c’est un commandant de la police des frontières qui a introduit la cohérence cardiaque pour les agents de ses services. Des belles satisfactions dans des domaines auxquels moi-même je n’aurais pas pensé. Parce qu’on peut l’introduire même dans des domaines très pragmatiques, très conventionnels puisqu’il s’agit de neurocardiologie.
Je crois qu’il y a plus de 100 000 personnes maintenant sur une vingtaine de nationalités qui l’utilisent. Et c’est vrai que j’ai eu des retours extrêmement, extrêmement élogieux : des cicatrisations anormalement rapides, des restructurations émotionnelles de gens qui étaient en déprime ou en dépression. J’ai aussi introduit cette pratique à HEC dans une formation que j’y ai délivrée pour des étudiants qui avaient à passer des examens. Lorsque vous êtes en cohérence cardiaque, il y a une amélioration de la synchronisation de cœur-cerveau et puis aussi une meilleure résonance vasculaire : vous pensez plus rapidement, vous réagissez plus rapidement, vous réfléchissez plus rapidement.
P.M. : En pratiquant les méditations proposées dans votre livre, j’ai retrouvé des états d’expansion de conscience qui me sont familiers donnant accès à un monde de silence et de lumière. Le cœur serait-il une des portes permettant un accès à l’univers, au cosmos ?
P.D. : Bien évidemment ! Dans les années 80. Un groupe de physiciens américains, dont le chef de file se nommait Heinz Pagels a émis l’hypothèse que ce qui aurait provoqué le déclenchement du Big Bang était un code cosmique parfait, un code universel. Il s’est dit : « Si un code cosmique parfait a déclenché la perfection de l’Univers, alors nous vivons dans un Univers élégant ».
Est-ce que je peux relier mon cœur au code cosmique universel, puisque qu’il s’avère être un code parfait ?
La réponse est ; oui ! Le cœur est une porte donnant accès à la beauté de l’univers et du cosmos. Du reste, la recherche a démontré que le cœur émet une radiation pouvant s’étendre jusqu’à deux mètres cinquante. C’est la raison pour laquelle nous nous sentons si bien en présence de certains maitres dont l’étendue de la vibration peut atteindre plusieurs dizaines de mètres.
P.M. : Dans le monde spirituel, ce phénomène se nomme « Le Bouddha Field », (en français « Le champ du Bouddha ».). Selon certaines traditions, il semblerait que ce champ puisse atteindre jusqu’à plusieurs centaines de mètres. Il appartient au registre des vibrations et résonnances auquel je suis très attentive en tant que praticienne des bols tibétains. Dans de nombreuses civilisations, la musique a été un puissant vecteur des cérémonies initiatiques. Vous proposez un support sonore favorisant un état de cohérence cardiaque qui pourrait approcher cette fameuse note primordiale issue du souffle de la création dont parlent les textes les plus anciens.
P.D. : La neuro-cardiologie a démontré que le cœur émet à distance un signal observable et mesurable qu’on appelle un champ cardio-électromagnétique. Chacun d’entre nous émet, en permanence, une radiation fondamentale qui est comme une signature personnelle. En présence d’un maître, d’un enseignant, d’un être éveillé, nous ressentons et disons communément qu’il dégage quelque chose. On parle de présence, d’aura, de charisme. Bien sûr, il s’agit d’une fréquence vibratoire stable qui irradie tout ce qui l’entoure. Or, le plus fréquemment, nous sommes gouvernés par nos émotions qui se traduisent en variabilité cardiaque incohérente avec son cortège de conséquences plus ou moins délétères. Bref, ça part dans tous les sens.
Comment retrouver un état durable de cohérence cardiaque et quel support pourra nous y aider ? Cette question m’a beaucoup préoccupé dans ma recherche d’outils qui font précisément l’objet du « guide pratique de la cohérence cardiaque ». J’ai longtemps cherché un son, une vibration susceptible de s’accorder avec le chant naturel du cœur qui bat au sein de notre poitrine. J’ai cherché avec divers instruments, avec des gongs tibétains, avec des synthétiseurs. Ca m’a pris plus de 18 mois avec l’aide d’un musicien, par ailleurs ingénieur du son, pour trouver enfin une solution issue de l’électronique que j’ai appelée « cardio-osmose ». Et je dois dire que je reste très interpellé par la manière dont les gens réagissent à ce son.
P.M. : Si ma mémoire est bonne, dans « Des vies antérieures aux vies futurs » (Éditions du Rocher), vous écriviez qu’au fur et à mesure que la conscience de l’humanité évolue, notre futur pourrait aussi évoluer vers de meilleurs horizons. Qu’en est-il donc aujourd’hui de cette conscience collective, si elle existe ? Pourrait-elle avoir une influence sur le futur de notre humanité ? Est-ce que les méditations proposées dans votre livre, grâce à la transformation intérieure qu’elles amènent, sont une possibilité de voir un monde meilleur émerger ? Auriez vous un message d’espoir à partager avec nos lecteurs ?
P.D. : C’est vrai que l’on vit dans une époque chaotique.
Mais René Thom, le célèbre mathématicien (médaille Fields en 1958) dont je connais bien les travaux, nous a apporté une raison de ne pas désespérer. Avec lui, la science nous dit que c’est du chaos que naît l’ordre. Je pense que nous vivons surtout une grande mutation qui est aussi un nouveau monde en train de naître.
Si, comme nous l’avons évoqué, la pratique de la restructuration neuro-cardio-vasculaire nous permet de nous accorder avec la perfection d’un code cosmique universel, il faut croire et participer à l’émergence d’une nouvelle conscience pleine de promesses.
Le cœur n’est pas seulement un organe mécanique. Ce n’est pas un hasard si nous l’avons toujours considéré comme le centre de l’amour et de la compassion. La découverte de la cohérence cardiaque rétablit l’unité entre science et conscience.
Ma conviction est que l’atteinte d’une nouvelle architecture de conscience nous permettra de nous adapter aux bouleversements que nous traversons en analysant avec plus de finesse la nature des situations et des problèmes qui se présentent à nous. En devenant cardio-méditants, nous nous déplaçons progressivement vers un reformatage de notre champ de conscience qui nous aménera à une nouvelle manière d’embrasser le monde dans toute sa complexité. Et, j’espère, à nous déployer, tous ensemble, dans une existence plus authentique, plus créative et plus apaisée.
En tout cas, je constate que beaucoup de gens, de plus en plus de gens, à commencer par vous et moi dans ce que nous sommes en train de faire en ce moment même, contribuent à semer des gouttes de lumières qui ne manqueront pas d’éclairer le devenir de nos enfants et celui de l’humanité toute entière.
P.M. : Merci à Vous, Patrick, pour ce beau message et pour votre implication dans notre aventure collective.
P.D. : Merci à Vous Patricia.